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» Vis-à-vis de moi étaient assis une douzaine de chiens-loups, les yeux fixés sur mon plat. Ils paraissaient envier mon bonheur et m’offrir assistance en cas de besoin. » J’avais faim, je l’avoue ; mais mon estomac était découragé en présence de mon mystérieux ragoût.

— Ah ça, me dis-je, point de façons ! Nous ne sommes pas en Belgique. Commençons sérieusement notre apprentissage ; et, puisque nous sommes dans les bois, hurlons de bon cœur avec les loups !

» Je portai résolument la cuiller à ma bouche. Je trouvai mon dîner délicieux. C’était une langue de jeune buffle fricassée, mêlée de graisse d’ours et de farine de patates sauvages. Je remerciai la princesse en me frottant le ventre en signe de satisfaction, et lui rendis son plat beaucoup plus propre qu’elle ne me l’avait présenté ».[1]

Le 31 mai, on arrivait chez les Potowatomies. Près de 2 000 sauvages, couverts des tatouages les plus variés, assistaient au débarquement.

Le P. De Smet et ses compagnons se rendirent immédiatement à la loge du grand chef. C’était un métis, du nom de Billy Cadwell. Son courage et ses succès contre les Blancs l’avaient rendu célèbre. Il fit bon accueil aux missionnaires, promit de les protéger, et leur offrit trois loges, voisines de la sienne.

Le colonel Kearny, représentant du gouvernement, mit à leur disposition un fort abandonné. C’est là qu’ils devaient célébrer la messe et réunir les néophytes, jusqu’à la construction d’une église en bois, érigée plus tard en l’honneur de saint Joseph, patron de la mission.

  1. Au P. Verhaegen. — Council Bluffs, juin 1838.