Page:Pere De Smet.djvu/159

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trois cantiques de leur composition, à la louange du Grand-Esprit. Il me serait impossible de dire les émotions que j’éprouvais alors…

» Tous les matins, au point de jour, le grand chef se levait le premier, puis, montant à cheval, faisait le tour du camp pour haranguer son peuple :

— Allons, disait-il, courage, mes enfants ! ouvrez les yeux. Adressez au Grand-Esprit vos premières pensées et vos premières paroles. Dites-lui que vous l’aimez, qu’il vous fasse la charité. Courage ! le soleil va paraître ; il est temps d’aller vous laver à la rivière. Soyez prompts à vous rendre à la loge de notre Père au premier son de la cloche. Tenez-vous y tranquilles ; ouvrez vos oreilles pour entendre, et votre cœur pour retenir toutes les paroles qu’il vous dira.

» Quand tous étaient prêts, je sonnais la cloche pour la prière et l’instruction. Depuis mon arrivée jusqu’à mon départ, leur avidité d’entendre la parole de Dieu ne fit que s’accroître. Je leur prêchais régulièrement quatre fois par jour. L’empressement était si grand, qu’ils couraient pour avoir une bonne place. Les malades même se faisaient porter…

» Je m’étais empressé, le lendemain de mon arrivée, de traduire les prières à l’aide d’un interprète. Quinze jours après, je promis une médaille de la Sainte Vierge à celui qui, le premier, pourrait réciter sans faute le Pater, l’Ave, le Credo, les dix commandements et les quatre actes. Un chef se leva :

— Mon Père, dit-il, votre médaille m’appartient. » Et, à ma grande surprise, il récita toutes ces prières sans manquer un mot. Je l’embrassai et le fis mon catéchiste. Il mit tant de zèle à remplir cette fonction, qu’en moins de dix jours toute la tribu sut les prières.