Page:Pere De Smet.djvu/160

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» J’eus le bonheur de régénérer près de 300 Indiens dans les eaux du baptême. Tous désiraient vivement obtenir la même grâce, et leurs dispositions, sans doute, étaient excellentes ; mais, comme l’absence de missionnaire ne devait être que temporaire, je crus prudent de remettre les autres à l’année suivante, tant pour leur faire concevoir une haute idée du sacrement, que pour les éprouver en ce qui concerne l’indissolubilité du mariage, chose inconnue parmi les nations indiennes de l’Amérique.

» Parmi les adultes baptisés, se trouvaient les deux grands chefs, celui des Têtes-Plates et celui des Pends-d’Oreilles, tous deux octogénaires. Comme je les excitais à renouveler la contrition de leurs péchés, l’Ours-Ambulant (c’est le nom du second) me répondit :

— Pendant ma jeunesse, et même jusqu’à un âge avancé, j’ai vécu dans une profonde ignorance du bien et du mal, et, pendant ce temps, j’ai dû souvent déplaire au Grand-Esprit. J’implore sincèrement mon pardon. Mais toutes les fois que j’ai reconnu qu’une chose était mauvaise, je l’ai aussitôt bannie de mon cœur. Je ne me souviens pas que, de ma vie, j’aie offensé le Grand-Esprit de propos délibéré.

» Je n’ai pu découvrir parmi ces Indiens le moindre vice, si ce n’est les jeux de hasard, dans lesquels ils risquent souvent tout ce qu’ils possèdent. Ces jeux ont été abolis à l’unanimité dès qu’ils ont su qu’ils étaient contraires au commandement qui dit : « Vous ne désirerez rien de ce qui appartient à votre prochain ». Ils sont scrupuleusement honnêtes dans leurs ventes et leurs achats. Jamais personne n’a été accusé de vol. Tout ce qu’on trouve est porté à la loge du chef, qui proclame les objets et les remet au propriétaire. La médisance est