Page:Pere De Smet.djvu/208

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mais beaucoup, depuis que le vrai Dieu s’était manifesté à eux, n’eurent pas à se reprocher l’ombre d’une infidélité.

Tel était l’état de cette peuplade, lorsque le P. De Smet la visita, au printemps de 1842.

Je fus, dit-il, conduit en triomphe jusqu’à la loge du grand chef. Là parut d’abord, comme chez tous les sauvages, le sempiternel calumet. On fuma deux ou trois rondes en silence et dans le plus profond recueillement. Alors le chef m’adressa la parole et me dit :

— Robe-Noire, vous êtes le bienvenu sur nos terres. Depuis longtemps, nous désirions vous voir et entendre les paroles qui doivent nous éclairer. Nos pères ont invoqué le soleil et la terre. Je me souviens très bien du jour où nous est venue la connaissance d’un seul et vrai Dieu. Depuis lors, c’est à lui que nous avons adressé nos vœux et nos prières. Cependant, nous faisons tous pitié. Nous ignorons la parole du Grand-Esprit ; tout est encore ténèbres pour nous. Mais aujourd’hui, j’espère, nous verrons briller la lumière. Parlez, Robe-Noire ; j’ai fini, et tout le monde a les oreilles ouvertes pour vous entendre.

Je leur parlai pendant deux heures sur le salut et la fin de l’homme, sans qu’un seul bougeât de sa place aussi longtemps que dura l’instruction. Le soleil étant près de se coucher, je récitai la prière, que j’avais eu soin de traduire dans leur langue quelques jours auparavant.

Alors on me présenta des rafraîchissements. C’était quelques miettes de viande sèche, un gâteau de mousse cuite, au goût de savon et noir comme du goudron, avec un verre d’eau de la rivière. Tout cela passait comme du sucre et du miel, car je n’avais rien pris depuis le lever du soleil.