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De jour en jour croissait la ferveur des néophytes. « Depuis plusieurs mois, affirmait le P. Point, il ne s’est pas commis, dans le village du Sacré-Cœur, une seule faute grave, du moins par ceux qui étaient baptisés »[1].

  1. « Assurément, ajoutait le P. Point, il faut une vertu plus qu’ordinaire à ces vieillards, pour se faire les écoliers de leurs petits enfants, et à ces petits enfants, pour se faire les graves et patients précepteurs de leurs vieux pères ; à ces mères de famille qui, non contentes de donner à leurs enfants la nourriture qu’elles se refusent à elles-mêmes, passent de longues soirées à rompre le pain de la divine parole à leurs parentes, à leurs amies, même à des étrangères, avides de les entendre ; à ces jeunes gens, qui s’astreignent à répéter cent fois, à d’autres moins intelligents, ce qu’ils ont saisi les premiers ; qui passent des nuits entières à enseigner à des sourds, à des aveugles, ce que la robe-noire désespérait presque de leur apprendre ; à ces chefs enfin, vrais pères et pasteurs de leur peuplade, pour se lever avant le jour, parfois au milieu de la nuit, par des temps froids et pluvieux, afin de réveiller de leur assoupissement les âmes qui ont besoin d’être excitées ».
    Est-il étonnant que la foi et la piété de ces humbles ait, plus d’une fois, obtenu des faveurs extraordinaires ? « Un matin, dit encore le P. Point, je sortais de l’église. On me dit : « Une telle n’est pas bien ».
    » Elle n’était encore que catéchumène. Je réponds : « J’irai la voir ».
    » Une heure s’écoule ; la même personne, qui était sa sœur, vient me dire : « Elle est morte » !
    » Je cours à la loge, dans l’espoir qu’on se sera trompé. Je trouve, autour du corps immobile, une foule de parentes ou d’amies, qui me répètent :
    « Elle est morte. Il y a longtemps qu’elle ne respire plus ».
    » Pour m’assurer du fait, je me penche vers le corps. Nul signe de vie.
    » Je gronde ces braves gens de ne m’avoir pas dit plus tôt ce qui en était. J’ajoute : « Dieu veuille me le pardonner » ! Puis, avec une sorte d’impatience : « Mais priez donc » !
    » Et tous se mettent à prier fort, bien fort.
    » Je me penche une seconde fois vers la prétendue morte, et je lui dis : « La robe-noire est là ; veux-tu qu’elle te donne le baptême » ?
    » Oh ! quelle joie ! À ce mot de baptême, je vois sa lèvre inférieure faire un léger mouvement. Bientôt l’autre y joint le sien, et me donne la certitude que j’ai été compris. Elle était instruite ; je la baptise. Elle s’assied sur sa couche funèbre, fait le signe de la croix… et aujourd’hui, elle est à la chasse, bien persuadée qu’elle a été morte ». (Lettre citée).