Page:Pere De Smet.djvu/274

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d’autre, puis je me trouvai seul avec mes trois compagnons dans un de ces sauvages ravins, où l’œil ne rencontre que de sombres montagnes, s’élevant de tous côtés comme d’infranchissables barrières »[1].

Le P. De Smet touchait aux sommets les plus élevés de la chaîne des Rocheuses. Devant lui, le mont Brown dressait à plus de 5 000 mètres sa cime neigeuse. La traversée des Montagnes, en toute saison difficile, était alors extrêmement dangereuse. On était aux premiers jours de mai. La fonte des neiges causait à chaque instant des avalanches qui, entraînant avec elles d’énormes blocs de pierre, se précipitaient avec fracas, brisaient les arbres, écrasaient les troupeaux, et comblaient de débris les vallées.

En face de ce passage, le plus périlleux peut-être qu’il ait jamais rencontré, l’intrépide missionnaire, presque épuisé déjà par un inutile voyage de plusieurs mois, semble avoir éprouvé une heure de défaillance.

« Vraiment, écrit-il à sa famille, je ne suis plus le même sous le rapport de la santé. Je m’aperçois, chaque fois que je me fais la barbe, qu’elle grisonne de plus en plus. À chaque montagne que j’escalade, mes forces semblent vouloir m’abandonner. Les intempéries, les jeûnes, les veilles, les soucis qui se multiplient, les dangers et les angoisses qu’ils occasionnent, me minent rapidement. J’ai récemment échappé, comme par miracle, aux mains d’un vil assassin. La vie d’un missionnaire, dans ce pays, dépend de fort peu de chose ».

Se reportant alors vers les amis de Belgique : « Je ne cesse, dit-il, de penser à tous, et mon cœur, tous les jours,

  1. Lettre à Mgr Hughes. — Du pied de la Grande-Glacière, 6 mai 1846.