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Page:Pere De Smet.djvu/392

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fourrures, les Blancs offrent aux Indiens l’eau-de-vie. Avec la passion de leur race, ceux-ci se jettent sur la fatale boisson. On se rappelle quelles atrocités l’ivresse faisait commettre aux Potowatomies ; mêmes scènes se renouvellent dans la Californie et l’Orégon. Les hommes s’entre-tuent par centaines ; les femmes et les enfants se traînent comme des animaux autour de leurs wigwams.

Si mortel que soit l’alcool, son action est trop lente au gré des envahisseurs. Ils pensent que le revolver agira mieux que le whisky, et offrent une récompense de vingt dollars à quiconque apportera un scalp d’Indien. La chasse à l’homme rouge devient un sport. On tue pour se faire la main, pour essayer son arme. De quel prix peut être la vie d’un sauvage, quand celle d’un Blanc pèse si peu ?

Chose encore plus horrible : on vend aux Indiens de la farine, du sucre, mêlés d’arsenic ; on jette de la strychnine dans les sources où ils viennent se désaltérer ; on leur distribue des habits contaminés.

« Voici, dit un missionnaire, ce qui me fut un jour raconté par des témoins véridiques. C’était sur les côtes du Pacifique. Les Blancs avaient résolu de détruire un camp indien. Ils suspendirent simplement à un arbre, à l’entrée du camp, les habits d’un homme qui venait de mourir de la petite vérole. Les Indiens aperçurent ces défroques et, enchantés de leur trouvaille, ils les prirent et s’en revêtirent. Bientôt la terrible maladie se répandit dans le camp, et, de plusieurs centaines de sauvages, il ne resta qu’une douzaine de pauvres gens, réduits à pleurer la tribu ravagée par le fléau ».[1]

  1. Article du P. de Rougé, dans les Études, 1890, t. I, p. 492. « Il est certain que les Blancs ont cherché à empoisonner toutes