Page:Pere De Smet.djvu/407

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sont bien mérités. Impossible de n’être pas touché de sa charité, de sa tendresse, pour une race d’ordinaire méprisée et persécutée. Les Indiens l’appellent leur père, mais ses sentiments pour eux sont plutôt ceux d’une mère ».[1]

Il n’était pas facile, en ce temps-là, de franchir les monts qui séparent la mission du Sacré-Cœur de celle de Saint-Ignace.

« Imaginez-vous d’épaisses forêts vierges, avec des milliers d’arbres abattus par le vent. Le sentier, à peine visible, est obstrué par des barricades que doivent constamment franchir les chevaux, et qui, chaque fois, mettent en danger la vie du cavalier. Deux gros torrents serpentent à travers ces forêts. Leurs lits sont formés d’énormes blocs détachés des rochers, et de pierres glissantes roulées par les eaux. Le sentier traverse le premier de ces torrents trente-neuf fois, l’autre, trente-deux. Souvent l’eau arrive au cheval jusqu’au poitrail, quelquefois même au-dessus de la selle. On s’estime heureux d’en sortir n’ayant que les jambes mouillées. Une montagne, haute d’environ 5 000 pieds, sépare les deux rivières. Ajoutez, çà et là, de vastes plateaux, où la neige n’a pas moins de huit à douze pieds de profondeur.

» Après huit heures de pénible ascension, nous arrivons dans une plaine émaillée de fleurs où, seize ans auparavant, lors de mon premier voyage, une croix avait été dressée. Dans ce beau site, j’aurais désiré camper. Le P. Congiato, persuadé que deux heures suffiront pour atteindre le pied de la montagne, nous décide à continuer notre marche.

  1. Lettre du 20 janvier 1860, publiée dans le San-Francisco Monitor.