Page:Pere De Smet.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

» Les deux heures s’écoulent, puis quatre autres, et la nuit nous surprend au milieu de mille obstacles. Ce sont de nouveaux monticules de neige, de nouvelles barricades d’arbres renversés. Il faut marcher, ici, sur le bord de rochers à pic, là, sur une pente presque perpendiculaire. Le moindre faux pas peut nous précipiter on ne sait où. En pleine obscurité, sans guide, sans chemin frayé, on fait chute sur chute, on marche à tâtons et à quatre pattes, toujours en descendant et en roulant.

» Enfin, nous entendons de loin le bruit du torrent que nous cherchions. Chacun de se diriger aussitôt de ce côté. Vers minuit, tous, les uns après les autres, finissent par y arriver, épuisés par une marche de seize heures, les habits en lambeaux, avec des écorchures et des contusions nombreuses, mais sans gravité. On prépare à la hâte le dîner-souper. Chacun raconte l’histoire de ses culbutes, et en divertit ses compagnons. Le bon P. Congiato reconnaît qu’il s’est trompé dans ses calculs, et est le premier à en rire de bon cœur ».[1]

Sans doute, le P. De Smet jouissait d’un heureux caractère et d’une robuste santé. L’imprévu, en voyage, ne lui déplaisait pas. Toutefois, l’amour des Indiens pouvait seul lui faire affronter, à cinquante-huit ans, de telles aventures.

Arrivé au fort Benton, il se sépara du P. Congiato. Dans l’espoir de rencontrer un plus grand nombre de peuplades, il avait songé à franchir à cheval l’énorme distance qui le séparait de Saint-Louis. Force lui fut de renoncer à ce projet. Ses six chevaux étaient épuisés, et, n’ayant pas été ferré, leur sabot s’était complètement

  1. Lettre du P. De Smet au R. P. Général. — ler nov. 1859.