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avec un acharnement sans exemple, de peuples frères. Un million de morts, les villes bombardées, les campagnes dévastées, le travail d’un demi-siècle anéanti, dix milliards dépensés en frais de guerre, des populations entières ruinées des deux côtés de l’Atlantique : tel est le bilan de ce sanglant conflit.

L’âme brisée de douleur, le P. De Smet s’était empressé de regagner Saint-Louis. Défenseur passionné de la paix et de la liberté, il déplorait le régime militaire auquel le pays était assujetti : la presse, le télégraphe mis sous la surveillance du gouvernement, les journaux supprimés, les chemins de fer coupés, les fleuves et les canaux interceptés, des citoyens, suspects de trahison, emprisonnés sans jugement. « Impossible de le dissimuler, le grande République est, en ce moment, livrée au despotisme, aussi réellement que si elle était passée entre les mains du tsar de toutes les Russies ».[1]

Plus encore que la liberté, le P. De Smet regrettait les vies d’hommes sacrifiées à d’implacables rivalités.

Il se trouvait à Washington lors de la fameuse bataille de Bull-Run. Des hauteurs qui dominent la ville, il avait entendu gronder le canon. Après une lutte acharnée, les fédéraux avaient commencé à plier, puis était venue la déroute. « L’entrée des fuyards à Washington est la plus triste scène que j’aie vue de ma vie. Sur une étendue de plusieurs lieues, soldats et officiers de toute arme, les yeux hagards, les habits déchirés, sans fusils, sans havresacs, se pressaient pêle-mêle parmi les chars, les ambulances, les voitures de toute espèce ».[2]

  1. Lettre à François De Smet. — Saint-Louis, 16 avril 1862.
  2. À François De Smet. — Saint-Louis, 7 juillet 1861.