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Mais c’est surtout aux Indiens que va sa sollicitude. Plus que jamais, ils sont dignes de pitié. En maint endroit, les Blancs ne leur ont laissé que des terres arides, où les animaux même ne parviennent pas à vivre ; les annuités ne sont pas payées régulièrement ; souvent les agents en retiennent une partie, ou substituent à l’argent, soit des barils d’eau-de-vie, soit des pacotilles d’objets inutiles.

L’hiver a été long et rigoureux. Plusieurs familles sont mortes de faim ; d’autres, après avoir tué chiens et chevaux, vivent de racines sauvages, heureuses quand elles peuvent, comme dans le voisinage du fort Sully, ramasser les restes de la cuisine des soldats, et jusqu’aux rats jetés par-dessus la palissade.[1]

Le P. De Smet soulage de son mieux ces misères. Il parle aux Indiens du Grand-Esprit, de l’autre vie, des joies réservées à ceux qui ont ici-bas fui l’injustice et le mensonge ; il leur promet de demander pour eux des robes-noires ; il baptise près de cinq cents enfants, persuadé que la plupart mourront avant d’avoir atteint l’âge de raison. « C’est pour moi, dit-il, un vrai jour de fête que de régénérer ces pauvres petits. J’ai l’intime conviction que le baptême a ouvert le ciel à un très grand nombre de ceux que j’ai eu le bonheur de rencontrer dans mes longues excursions chez les tribus indiennes ».[2]

Enfin, le 7 juin, après un voyage de deux mois, on arriva au fort Benton. Le P. De Smet n’y trouva pas, comme il l’avait espéré, ses confrères de la mission Saint-Pierre ; la guerre ayant éclaté entre les Blancs et les

  1. Cf. Helen Jackson, A Century of Dishonor, p. 166.
  2. Lettres choisies, 3e série, p. 401.