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LA COMTESSE HÉLÈNE POTOCKA.

et paysannes, groupés au pied de la terrasse, venaient chanter leurs airs nationaux[1].

Ces chants doux et mélancoliques, nuancés avec une délicatesse infinie, rappelaient à Hélène ceux de Lithuanie ; et tendrement enlacée au bras de son mari, elle sentait, en les écoutant, s’éveiller délicieusement ses lointains souvenirs d’enfant. Elle s’amusait aussi de leurs danses bizarres, mélange d’indolence langoureuse et de vivacité subite, d’un caractère tout à fait oriental. Pour bien figurer dans ce cadre nouveau, la toilette de la comtesse[2] devait s’harmoniser avec lui. Elle fit venir de Moscou, de Varsovie, de Constantinople même, les plus riches étoffes. Ne pouvant plus demander des modèles à ses compagnes de l’Abbaye-aux-Bois, dispersées par l’exil, la prison, ou mortes sur l’échafaud, elle prit le parti de diriger elle-même les travaux de

  1. Les paysans polonais cf russes aiment passionnément la musique, ils chantent même en travaillant : rien n’est plus fréquent que de les entendre chanter à quatre parties avee une harmonie parfaite ; souvent aussi ils chantent des airs dialogués.
  2. À cette époque, le costume polonais, si riche et si élégant, devenait de plus en plus rare. Il avait presque complètement disparu à la cour, de Stanislas, ce roi ayant donné le premier l’exemple des modes françaises ; cependant on le portait encore dans les provinces de l’ancienne noblesse, qui y restait