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LA COMTESSE HÉLÈNE POTOCKA.

essavaient vainement de fleurir et les violeties elles-mêmes, pâles et sans parfum, penchaient tristement leurs pefites têtes entre les feuilles,

Par une chaude matinée de mai, Hélène y descendit cependant, heureuse d’aspirer un air plus pur que l’atmosphère lourde des poêles dans laquelle elle vivait depuis un mois. Assise sur un banc, elle regardait les jardiniers bêcher avec peine cette terre dure et ingrate, et respirait machinalement une rose qu’elle venait de cueillir. Quelque faible que (üt son parfum, il suffit cependant à évoquer un souvenir qui prit bientôt une intensité étrange. Elle vit passer devant ses yeux de grands arbres, des pelouses veloutées, des parterres de fleurs aux couleurs brillantes puis « sous un berceau de roses et de clématites une belle nourrice flamande portant dans ses bras une petite créature rose et blanche noyée dans un flot de dentelles. « Mon enfant, s’écria la comtesse comme égarée, je veux mon enfant ! » Puis cachant son visage dans ses mains elle sanglota amèrement. Les jardiniers effrayés appelèrent ses femmes, qui accoururent et aidèrent leur maîtresse à remonter dans sa chambre. Quand cet accès de désespoir fut passé, elle se mit à songer à l’oubli dans lequel elle avait laissé