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LE ROMAN DE MIRAUT

n’essayaient point de jouer, mais venaient de temps à autre le flairer : toutefois, comme il n’avait pas conservé sa bonne odeur de santé, ils ne le léchaient plus ; mais souvent ils se couchèrent tout contre son poitrail pour le réchauffer. Lui, les regardait de ses yeux d’où nulle lueur ne jaillissait et qui semblaient désespérés.

Il se taisait obstinément. C’est que son mal était en lui et que toute souffrance dont les bêtes ne voient pas la cause ou qui persiste, cette cause étant disparue, les laisse muettes. Qu’un chien ou un chat ou une autre bête domestique, car les sauvages, eux, savent presque toujours se taire, crie ou pleure ou hurle ou gronde quand on le heurte, ou qu’on le frappe, ou qu’on le brûle, ou qu’on le mouille, ou qu’on lui marche dessus, cela s’entend : son cri est un appel, une plainte, un défi ou une lutte ; si la source de douleur disparaît, si la cause n’est plus apparente, il se tait.

Tout le monde n’a pu voir mourir un chien empoisonné, mais qui n’a vu de misérables animaux écrasés par des automobiles, des tramways ou des voitures ! Ils hurlent épouvantablement sous le choc, mais cinq minutes après, quand on les a ramassés, mis sur la paille, ils se lèchent s’ils le peuvent encore et souffrent et meurent sans se plaindre.