Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/22

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en qui remontait la colère, le petit et le gros qui doit ramener l’autre. En vérité, je ne saurais dire quel est le plus cochon des deux.

Ah ! le goûilland, le salaud, la sale bête !

Et sur le pas de la porte, en éclairant les voisins, elle entrecoupait ses remerciements et ses bonsoirs d’invectives violentes contre son ivrogne de mari qui ne pouvait jamais rentrer de jour…

Une heure se traîna encore, puis une demie.

La Guélotte s’était couchée sur le canapé et avait essayé de dormir, mais c’était bien impossible ; alors elle s’était relevée, puis, de cinq minutes en cinq minutes, était allée écouter à la porte si elle entendait marcher sur la route, et, en fin de compte, résignée et ronchonnante, elle tricotait sa chaussette tout en poussant des monosyllabes qui en disaient long sur la façon dont elle se préparait à accueillir le retour de son homme.

Le crissement des gros clous de souliers sur le pavé du seuil la fit bondir à la cuisine, la lampe à la main, pour éclairer l’entrée du maître.

Alors la porte s’ouvrit et Lisée, magnifiquement saoul, s’encadra dans le chambranle.

Il ne ramenait point de petit cochon, mais une bretelle de cuir fauve suspendait à son épaule gauche un fusil Lefaucheux à deux coups, tandis que, de la main droite, il tenait une corde-