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Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/348

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Le président fut sévère, d’autant plus sévère que, malgré son tempérament rageur et sa méchanceté naturelle, il ne pouvait pas l’être toujours. Pour faire plaisir à quelques politiciens véreux, député de l’absinthe, sénateur cocu, maire failli, conseillers généraux gâteux, il n’appliquait fort souvent à des délinquants réels, chenapans avérés, fripouilles notoires, mais électeurs et électeurs influents, que des pénalités ridiculement anodines. Ici, il n’avait affaire qu’à un paysan, un paysan qui n’était recommandé par personne, car ces messieurs du chef-lieu de canton s’étaient prudemment effacés dès qu’ils avaient clé informés du procès-verbal, un paysan qui chassait, qui avait le toupet de chasser, qui tuait des lièvres, comme si ce sport guerrier ne devait pas être l’unique apanage de lui, juge, de ses collègues, des autres autorités, piliers de la loi et du régime, fils et gendres de nobles marchands de mélasse ou de calicot, aristocratie républicaine, enfin, ayant du bien au soleil, des rentes, une situation.

— Un paysan, autant dire un braconnier ! Ce fut tout juste s’il ne traita pas Lisée de vieux cheval de retour ; aussi écopa-t-il de l’amende la plus forte et sa note de frais fut, elle aussi, particulièrement soignée.

Et ce ne fut pas tout. Le soir même, le digne et