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Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/75

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Être si près du but et ne rien pouvoir ! Un jappement de rage lui échappa.

Il appuya l’avant-train contre le mur pour atteindre de nouveau la fenêtre, prit son élan pour aller plus haut, ne réussit qu’à se meurtrir les pattes et le nez, et, en désespoir de cause, vint se rasseoir sur sa paille.

Une soif de mouvement, un besoin de se démener, de se dépenser, de se répandre, le tenaillaient ; il était nécessaire qu’il courût, qu’il portât quelque chose à sa gueule.

Et peu à peu et à tour de rôle ses yeux se promenèrent sur tous les objets qui garnissaient la pièce.

Un morceau de bois le sollicita : il le mordit, le rongea, puis il l’abandonna dans sa paille ; il trouva ensuite un os, un vieil os, dur, moisi, sale, qu’il nettoya avec soin et croqua avec frénésie ; puis il renversa divers paniers, sauta sur une table boiteuse, et, la fièvre de la recherche et de la découverte l’emballant de plus en plus, il fouilla partout, renifla, fureta, fit des bonds de tous côtés, déplaça des tas de choses, en bouscula d’autres, mordit, rongea, sauta encore, aboya, et ne s’arrêta enfin que las, éreinté, fourbu, pour s’endormir cette fois, sans soucis ni remords, du sommeil du juste, parmi sa paille… fraîche au milieu d’un admirable et fantastique désordre qu’il avait créé pour sa joie.