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NÊNE.

apprentie elle ne m’a pas parlé… elle m’a fait seulement bonjour de loin avec sa main… Et maintenant, c’est au bout ; ma tête chavire ; il faut que je lui parle !

Il fit une pause, après quoi il ajouta d’un ton décidé :

— Et puis, il y a des nouvelles !

— Quoi donc ? fit Madeleine.

— Tu vas mettre, premièrement, que l’affaire de religion n’est pas un empêchement. Qu’elle le dise à sa mère ; on peut causer avec moi là-dessus… Je verrai ce qu’il y a à faire.

Madeleine, avec vivacité, repoussa le papier fleuri.

— Ma main n’écrira pas ça… J’en aurais grand’honte ! Jamais personne ne s’est changé chez nous : c’est l’honneur de la famille. Tu seras le premier et on te montrera du doigt.

Il ne répondit rien.

— Tu ne tiens pas pour tes idées… Tu quittes ceux de ton bord… tu cèdes… Tu n’es pas un homme !

Elle s’arrêta, un peu troublée d’avoir dit des paroles si dures à ce frère que le malheur avait frappé. Pourtant elle devait parler ! Elle le sentait avec certitude ! C’était un devoir obscur, mais profond comme l’instinct et qui primait la pitié, le devoir des femmes de sens droit, gardiennes de la race.

Lui, la tête basse, pâle comme un mort, tremblait.

— Jean, tu n’es pas un homme… Il ne faut pas faire ça ! Ce n’est pas fier ! Il faut tenir… tenir…