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NÊNE.

Il bavardait tout seul du matin au soir, disant les demandes et les réponses. Sur les routes on l’entendait faire une conversation interminable avec ses dix mille amis et connaissances.

Souvent il causait avec le Bon Dieu et il lui arrivait alors de s’irriter et de faire tournoyer son bâton parce que l’Autre l’agaçait, à la fin, avec ses questions indiscrètes…

Madeleine expliquait de son mieux toutes ces choses à Lalie qui n’était pas rassurée.

— Les Dissidents, que le diable les brûle ! ils puent comme des blaireaux !

Il n’y avait pas de feu dans la cheminée et pourtant il tendait sérieusement ses pieds vers les chenets.

— Tu n’es pas beau ! dit Madeleine ; pourquoi parles-tu mal des Dissidents ?

— Ils ont des oreillers de plume de poule et pas de clous à leurs sabots… pas de lard dans le charnier… Veux-tu du fricot, Jules ?… Une petite bouchée avec du pain… Va-t’en Jules ! nous n’en avons pas, nous sommes ruinés, nous ne pouvons pas payer nos dettes… Pas riche, ça !

Madeleine, amusée, lui tendit un gros morceau de pain avec une tranche de lard. Il se mit à manger d’un si bel appétit que Lalie elle-même en fut émerveillée.

Madeleine lui posa les questions habituelles :

— Quel âge as-tu donc maintenant, Jules ?

— J’ai tiré au sort à 21 ans ; comptez, à présent.