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NÊNE.

Michel se sentit fléchir sur ses jarrets ; il leva la main, jeta d’une voix grelottante :

— Malheur à moi ! ma petite brûle !

Il se rua, perça la haie, se précipita dans le pré vers cette nappe de fumée où s’agitait une torche vivante.

Dans l’ouche, Madeleine, aussi courait. Le cri de l’enfant l’avait mise debout, l’avait jetée hors de la maison et il l’amenait, la poussait, la portait avec une vitesse incroyable. Et, de sa gorge, un autre cri sortait en réponse, ce cri rauque de louve hurlant à la mort.

Son tablier à la main elle se jeta sur l’enfant, roula avec elle sur l’herbe, éteignit la flamme par gestes fous, avec ses jupons, avec ses mains, avec tout son grand corps.

Et puis d’une secousse, elle fut debout. Sur ses bras l’enfant se tordait et poussait une haute plainte déchirante.

Michel arrivait, tremblant, défait ; elle ne le regarda pas ; elle prit la course.

Pieds nus, une grosse mèche de cheveux déroulée sur son dos, elle courait d’un côté, puis de l’autre, sans but, avec des saccades, des zigzags de démence.

Comme Michel, dans son impatience de savoir se mettait à la poursuivre, elle fila vers l’étang, les bras hauts, offrant au vent les morsures du feu. Elle disparut derrière une haie, puis revint.

Violette, elle aussi, était accourue dans le pré ; elle se tenait près de Michel, sur le routin de l’ouche.