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JEANNE-DES-HARENGS.

Et, à mesure que j’avançais, mon cœur se serrait davantage.

réprouvais l’amer désenchantement d’un homme qui croit venir chez des amis et qui se trouve en face de visages inconnus, indifférents, glacés.

Mais tout à coup, comme je montais la rue escarpée, rocailleuse qui aboutit à l’église, je poussai un cri de joie. Enfin ! je retrouvais dans mon pauvre Rully une épave, un coin, que le temps avait respecté, sur lequel la civilisation n’avait pas eu de prise : la boutique de Jeanne-des-Harengs.

La vieille fille portant ce nom bizarre était une humble marchande qui nous vendait, à la sortie de l’école, des tou pies et des sifflets.

Sa pauvreté allait alors jusqu’à la détresse.

Toutes ses marchandises tenaient à l’aise dans cinq ou six boites alignées sur un rayon, derrière un comptoir vermoulu.

Pour n’avoir pas à payer le loyer de deux chambres, elle avait installé son lit, à rideaux de serge brune, dans un angle du magasin.

Quant à son étalage, placé derrière les carreaux verdâtres d’une étroite fenêtre, il présentait à l’œil rassortiment le plus hétéroclite.