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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

ma grand’mère. Ce sera désormais celle de son fils. »

Lorsque la bonne revint, sa maîtresse lui prit des mains la petite chaise en bois doré, recouverte de soie bleue, qu’elle apportait.

« C’est celle de ta mère quand elle avait ton âge, mon enfant… — sa voix tremblait un peu en disant cela. — C’est toi qui l’occuperas désormais. »

Je m’emparai sans dire merci, mais avec une profonde satisfaction, du petit siège qu’on me tendait, et dont l’élégance me rappelait le luxe de la maison paternelle.

J’en pris possession en lançant aux deux animaux un regard de triomphe.

« Je suis mieux que vous, pensais-je, c’est bien fait. »

Ma grand’mère m’observait. Peut-être cherchait-elle sur mon visage la trace de l’émotion qu’aurait dû provoquer le souvenir de ma mère.

Mais, puisque j’ai promis de tout dire, il faut bien que je l’avoue, l’orgueil et l’égoïsme s’ajoutaient, en dose considérable, à la somme de mes autres défauts et paralysaient souvent en moi tous les mouvements du cœur. Ah ! j’étais un joli personnage, à cet âge-là, je dois en convenir.

Le lendemain matin, la petite chaise dorée avait une