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Page:Perrault - Les lunettes de grand'maman, 1885.djvu/29

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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

je dois l’avouer, était chaude à cette heure matinale.

Un vieux fauteuil se trouvait préparé au coin du feu, à côté d’une petite table recouverte d’une nappe bien blanche, et sur laquelle deux bols pleins de soupe fumante se faisaient vis-à-vis.

Je considérai ce régal d’un air dédaigneux, refusant d’y goûter. Il ne me sembla pas que ma grand’mère lui fît non plus beaucoup de fête. On aurait dit qu’elle n’y était pas habituée.

« Allons, mon petit Maurice, fais comme moi, déjeune, me dit-elle en avalant de son mieux une grande cuillerée.

— Je ne veux pas de soupe.

— Il faut cependant te résigner, mon ami. Nous ne sommes pas riches, loin de là, et notre situation ne nous permet aucun luxe de table ni autre.

— Vas-tu essayer de me faire croire que je suis pauvre ? m’écriai-je ravi de trouver un prétexte pour me mettre en colère. Eh bien, et la belle maison de papa, et nos beaux meubles, nos chevaux, nos voitures ! Tout cela n’est-il pas à moi ? Je veux m’en retourner, du reste. C’est trop laid ici, et je n’y resterai pas.

— Tu n’as plus d’autre maison que la mienne, pauvre petit, » répondit ma grand’mère en soupirant.