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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

grandes cuillerées de sucre pilé que je glissai parmi les œufs en mélangeant le tout avec soin.

Lorsqu’on apporta sur la table le mets auquel j’avais fait cette petite addition, je baissai les yeux avec la fausse modestie d’un inventeur fier de son triomphe, et je tâchai de prendre un air indifférent.

Mais, malgré moi, je regardai grand’mère en dessous, attendant avec anxiété ce qu’elle allait dire.

À la première bouchée, elle poussa une exclamation.

« Ma pauvre fille, dit-elle en se tournant vers Gertrude occupée à me servir, cette omelette est sucrée. Vous aurez eu une distraction.

— Mais ce n’est pas possible, madame, je n’ai pas ouvert le placard au sucre ce matin.

— Vous le croyez… Allons, du reste, le mal n’est pas grand. Tenez l’omelette sur un bain-marie, nous la mangerons au dessert avec des confitures. »

C’était exquis ! Je ne me sentais pas de joie : « Je recommencerai, » pensai-je.

La semaine suivante, en effet, m’étant encore trouvé seul à la cuisine, j’avisai une casserole dont le contenu embaumait. Il y avait dedans une grosse chose brune avec du jus tout autour.