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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

Il a dit : « Un seul verre d’eau donné en mon nom vous sera compté. »

— Un seul verre d’eau, grand’mère ?

— Oui, mon enfant, il se souvient de tout. »

Je n’ajoutai rien, et grand’mère me laissa réfléchir.

Il y avait peut-être bien trois mois que ce petit événement avait eu lieu, quand, un jour, en rentrant de l’école, je rencontrai encore un pauvre. C’était un petit garçon, cette fois. Un enfant de mon âge.

Il me fit la demande accoutumée :

« La charité, mon bon monsieur ! »

Les enseignements de ma grand’mère me revinrent à l’esprit.

« Veux-tu un verre d’eau ? » lui demandai-je.

Le petit eut l’air abasourdi.

« Merci, monsieur, dit-il, je n’ai pas soif.

— Pas soif du tout ? insistai-je.

— Non. »

Alors il me vint une idée merveilleuse. En regardant le costume du petit pauvre, je m’étais aperçu que son pantalon avait des trous de telle taille… que, si sa grand’mère avait voulu… voulu… faire une exécution, elle n’aurait pas eu besoin de le déshabiller.