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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

Sa voix devenait faible. Il me fallait approcher mon oreille de ses lèvres pour l’entendre.

Elle ôta ses lunettes. Je revis les yeux bleus si doux que j’avais aperçus un soir… Je me sentais tout prêt à aimer beaucoup celte grand’mère-là.

Un petit coffret élan posé sur ses genoux. Elle v renferma les terribles lunettes et en tendit la clef à M. Salmont.

« Vous donnerez à Maurice ce petit coffret quand il sera reçu docteur et qu’il vous aura apporté son diplôme.

« J’ai une prière à te faire, reprit la mourante en se tournant vers moi. Avant de partir pour Paris, rappelle tous tes souvenirs, et ces souvenirs, écris-les, de façon que ta vie nouvelle n’en puisse rien effacer. Veux-tu me le promettre ? Je connais ta sincérité. H te sera utile un jour de les relire. Laisse le cahier dans mon armoire ; tu le reliras quand tes études seront finies et que tu reviendras retrouver cette maison, ta maison. »

J’ai promis. Ma pauvre grand’mère me prit alors la tête à pleines mains et me donna des baisers… quels tendres baisers !… Ah ! c’étaient bien des baisers de mère ! Il me semblait retourner de sept ou huit ans en arrière, et sentir encore sûr mon front les lèvres de mon père chéri et de ma pauvre petite maman.