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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

blanches ! Je suis médecin, et je rentre, pour n’en plus sortir, dans la petite ville où j’ai été élevé.

Je viens de relire les souvenirs d’enfance que, pour obéir à ma grand’mère, j’avais écrits avant mon départ. Était-ce bien moi, ce petit garçon dont le portrait est fait dans ces mémoires, cet enfant égoïste, volontaire, mauvais, souvent sans cœur et toujours gourmand ?… Hélas ! oui, je le reconnais aujourd’hui, c’est grâce à toi, grand’mère, que j’ai un peu changé.

Pour accomplir ta dernière volonté, il me reste à ouvrir, en présence de M. Salmont, le coffret qui renferme tes lunettes, la terreur de mon enfance. C’est demain…

J’ai comme une émotion, une inquiétude ; réminiscence de celle que j’éprouvais autrefois, lorsque je m’avançais, ayant à rendre compte de quelque méfait, et que ces deux gros verres bleus avaient l’air de s’agrandir encore, pour mieux pénétrer ma pensée.

Depuis ta mort, grand’mère, j’ai, sans m’en être rendu compte, sans en avoir toujours eu conscience, suivi la direction que tu m’avais imprimée.

J’ai fait comme la balle élastique, qui, ayant reçu l’élan, ne peut plus s’arrêter en route, et marche droit au but. encore bien que la main qui l’a lancée se soit retirée d’elle…