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LES FLUCTUATIONS

limiter au cas des substances diluées, Smoluchowski a réussi un peu plus tard, dans un Mémoire tout à fait remarquable[1], à calculer la fluctuation moyenne de la densité pour un fluide quelconque, et il a prouvé que malgré qu’il s’agisse alors de fluides condensés, les fluctuations deviennent notables dans des espaces perceptibles au microscope lorsque le fluide est dans un état proche de l’état critique[2]. Il a réussi à expliquer ainsi l’opalescence[3] énigmatique toujours manifestée par les fluides au voisinage de leur état critique.

Cette opalescence, absolument stable, traduit un régime permanent de fine hétérogénéité dans le fluide. Smoluchowski l’explique par la grandeur de la compressibilité (infinie au point cri-

  1. Acad. des Sc. de Cracovie, décembre 1907.
  2. On sait que pour chaque fluide il y a une température au-dessus de laquelle on ne peut liquéfier le fluide par compression, c’est la température critique (31° pour le gaz carbonique) et de même qu’il y a une pression au-dessus de laquelle on ne peut liquéfier le gaz par refroidissement, c’est la pression critique (71 atmosphères pour ce même gaz carbonique). Un fluide est dans l’état critique lorsqu’il est arrivé à la température critique, sous la pression critique. Au point qui représente cet état critique, dans un diagramme de coordonnées , , , l’isotherme présente un point d’inflexion à tangente parallèle à l’axe des volumes ( est donc nul en ce point, et la compressibilité y est infinie).
  3. Un liquide est opalescent si le trajet d’un pinceau de lumière est visible, comme dans de l’eau de savon ou dans de l’air chargé de fumées fines. Cette lumière se distingue de la lumière de fluorescence en ce que, analysée au spectroscope, elle ne contient pas de couleurs qui ne soient dans le pinceau éclairant, bien que la teinte soit généralement plus bleue par suite d’un changement dans les rapports des intensités. (Elle s’en distingue aussi en ce que, complètement polarisée, elle cesse d’arriver à l’œil observant à angle droit du faisceau au travers d’un analyseur convenablement orienté.)
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