ma conduite se joignait à ma misère présente,
pour augmenter ma confusion : tout ce qui s’offrait
à moi semblait insulter à mon état. Cette
même maison de Bellegrade, que je regardais
auparavant comme le temple de mes plaisirs, ne
m’offrait plus que des idées aussi affreuses que
désespérantes : livrée à mes remords, je ne
voyais plus rien qui ne prononçât ma condamnation ;
tous les objets pleuraient avec moi. Les
larmes, les soupirs, les sanglots me suffoquèrent ;
je me représentai sieur Valérie trahi,
livré, pour ainsi dire : il me semblait l’entendre
gémir de ma perfidie. J’y succombai presque :
la perte de mon argent et de mes bijoux me devint
insipide. Que faire ? que devenir ? Il ne me
restait plus pour toute aisance qu’un louis dans
ma bourse, et quelques nippes que je n’avais pu
détourner.
La fuite du traître Bellegrade me donnait une chère leçon ; je démêlai, mais trop tard, l’artifice de ses menées : je me rappelai les prudentes réflexions de la Daigremont et de la Château-Neuf ; leurs sages avis, même au milieu du libertinage ; le danger que l’on courait à s’abandonner à ses désirs. À ces cruelles réflexions succédèrent de justes inquiétudes sur l’avenir : l’abîme de douleur où j’étais plongée ne me fournissait cependant aucun moyen d’en sortir.