méprisé les frivoles avantages qu’y procure la
grande jeunesse, je m’étendis finement sur la
solide prudence avec laquelle un âge raisonnable
y ménage ses plaisirs : c’était le mettre à son
aise, il était dans le cas de la raison. Cette conversation
sensée lui parut un phénomène dans
une jeune personne, à laquelle le goût du
monde et de ses plaisirs bruyants semblait
devoir inspirer d’autres sentiments : quoiqu’il
n’osât s’appliquer tout à fait le précis d’une si
flatteuse distinction, il connut bien qu’il y avait
quelque part. Plus il admirait ma théorie, et
plus je maudissais secrètement ma cruelle expérience.
Cette conversation ayant été de jour à
autre suivie d’une infinité de semblables, dont
je faisais part à la Valcourt, qui, de son côté,
me rendait un fidèle compte de l’état de son
cœur, il en fallut venir à une explication formelle.
Me trouvant un jour plus gaie qu’à mon
ordinaire, il en profita pour me reprocher amèrement
son état : il me représenta la cruauté
qu’il y avait à l’abandonner à lui-même ; me
pria, me pressa, me sollicita de le laisser espérer.
Eh, monsieur, lui répondis-je d’un air
languissant, faut-il que vous ayez moins de
force que moi ? Que ne suivez-vous mon exemple !
je sais me faire violence : actuellement
même il m’en coûte pour… Mais souffrez que
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LES ÉGAREMENTS