voluptueux, et fait pour l’inspirer. J’entrai dans
un détail exact de ces secrètes beautés qui augmentent
le prix de la jouissance, je n’y trouvai
rien qui ne répondît à ma figure. Le soin que
j’avais pris de guérir ma vanité m’avait insensiblement
réduite à la nécessité d’un autre remède :
déjà même je travaillais à me satisfaire,
mes yeux chargés de plaisir dévoraient ce
qu’une sensuelle complaisance leur exposait.
La douce langueur dans laquelle je fus plongée
n’était interrompue que par quelques-uns de
ces tressaillements qui rendent si bien ce qu’on
ne peut exprimer : ma respiration précipitée me
laissait à peine articuler ce que je désirais ; ma
bouche ne cessait de répéter avec passion le
nom de Derval. Derval, dont je n’ai pas encore
eu occasion de parler, était un jeune homme
d’environ vingt-deux ans, qui chantait la haute-contre
à l’Opéra qui était alors à Bordeaux. Il
joignait à une fort belle voix la plus jolie figure
du monde : son jeu noble et aisé était rempli de
grâces. Je l’entendais et le voyais toujours avec
un nouveau plaisir. Comme je ne m’étais point
gênée vis-à-vis de la Valcourt sur l’éloge de son
mérite, elle m’avait agacée plusieurs fois à
son sujet, et m’avait même fait la niche de
m’engager à un souper auquel il était prié.
Cette occasion de le mieux connaître m’avait
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DE JULIE