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LES ÉGAREMENTS


entièrement déterminée pour lui ; il y avait réjoui, enchanté toute la compagnie ; il avait enfin fait les délices de cette partie : c’était un feu, une vivacité, des saillies, une manière de raconter qu’on ne trouve à personne ; tirant parti de ces petits riens à la mode, avec lesquels tant d’autres n’ont que le talent d’ennuyer, il ne m’avait pas moins fallu que l’aventure de Bellegrade pour combattre le désir que je me sentais de le voir plus particulièrement. Me méfiant de moi-même j’avais soigneusement évité toutes les occasions de céder à mon goût pour lui : je m’étais réduite à un commerce imaginatif, dont l’expérience m’avait engagée à me contenter.

La disposition lascive où j’étais au bain m’en rappelait l’idée avec les transports les plus vifs : je lui parlais, je l’appelais pour être témoin de mon ivresse ; je me plaignais de son indifférence, je lui donnais tous les noms que la passion dicte pour un objet aimé. Pouvais-je le soupçonner si près de moi ? Derval, au même instant, sort d’une armoire pratiquée dans le mur, se jette à mes genoux, les embrasse, me serre entre ses bras, m’ôte tout moyen de crier en collant sa bouche sur mes lèvres, me demande pardon, fait de nouvelles fautes ; ses yeux et ses mains trouvent de nouveaux avan-