lequel je ne pouvais prendre trop de précautions
pour échapper à la vigilance de Rose. Je pris le
parti de lui écrire, et de lui représenter de quelle
conséquence il était pour moi qu’il se méfiât de ma
femme de chambre, qui vraisemblablement ne
le perdait point de vue, me remettant d’ailleurs
à sa prudence sur les expédients nécessaires pour
nous faciliter quelque entrevue. J’eus le bonheur
de rencontrer en lui un caractère entièrement
opposé à celui de Bellegrade ; car il joignait à un
véritable attachement toute la probité possible :
il ne négligea rien pour ensevelir notre commerce
dans le secret ; il le rendit impénétrable, et
ne se démentit par aucune étourderie. Il refusa
même constamment quelques légères attentions
de ma part, que mon aisance pouvait me permettre,
et dont la seule idée parut le révolter.
Il serait ennuyeux de détailler les mesures que
nous prîmes pour jouir paisiblement et sans
risque ; il me suffit de dire que nous choisissions
ordinairement pour le temple de nos délices la
maison de quelques gens publics, pour rendre
nos démarches moins suspectes. Heureux temps,
que tu m’as causé de regrets ! L’un me cultivait
l’esprit, l’autre me cultivait le cœur : je n’en
étais que plus amusante et plus vive. On ne
savait point s’ennuyer avec moi ; un air de satisfaction
répandu sur toute ma personne annonçait
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LES ÉGAREMENTS