Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
DE JULIE


point mon cœur. Une autre plus pénétrante que celle-ci ne put me répondre positivement, mais me mit à portée de m’éclaircir par l’histoire qu’elle me fît de sa sœur aînée et d’un jeune homme que dès lors j’eus grande envie de connaître : je n’épargnai rien pour y réussir ; mais je m’aperçus bientôt qu’il n’était point cet amour qu’on me faisait chanter ; ce n’était qu’un de ses sacrificateurs ; nouvel embarras. Je n’abandonnai point mes recherches, et résolue de les épier, je ne différai que jusqu’au lendemain, où, sans être aperçue, j’entendis une conversation que je trouvai entièrement ressemblante à mes chansons : j’eus beau regarder, je ne vis que deux personnes ; je n’entrevoyais point l’Amour, au sujet duquel je m’étais figuré une existence aussi palpable que sensible. Cependant l’entretien des jeunes gens s’animait furieusement ; je redoublai mon attention pour ne rien perdre de ce qui se passait. Le progrès de leur conversation conduisait ma curiosité d’une action à une autre ; mes yeux dévoraient : le nom d’amant, que j’entendis si souvent répéter, me parut si joli, que je conçus dès l’instant la nécessité de m’en choisir un. Que de baisers ! j’étais enchantée de l’union et du parfait accord dont ils étaient dans leurs gestes et dans leurs discours. Un air de satisfaction, une ardeur délicieuse,