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LES ÉGAREMENTS


une entière liberté d’eux-mêmes, une complaisance réciproque : Dieux, que ne vis-je point ! et que ne désirai-je même point alors, toute enfant que j’étais ! Ces moments me sont encore récents ; oui, tout passa dans mon âme, je me sentis animée du même feu dont ils brûlaient : aussi intéressée qu’eux à leur entretien, j’en partageais les effets. Cette aimable langueur, dont je ne connaissais pas encore l’usage, me parut si douce et si nouvelle, que je ne savais où j’en étais. Non, jamais mes yeux ni mes oreilles ne m’avaient rendu d’aussi agréables services : quoique je ne comprisse pas bien précisément certaines choses que je voyais faire, je m’imaginais qu’elles devaient être fort plaisantes, et j’aurais bien voulu être de la partie. Un assez long espace de temps les rendit enfin aussi tranquilles que j’étais émue ; mais jugeant d’eux par moi, leur inaction me devint une nouvelle surprise, et arriva cependant fort à propos pour me calmer, car j’étais furieusement agitée.

Les impressions que j’avais reçues m’avaient trop réjouie pour en demeurer là ; je résolus bien de faire mon profit des jolis secrets que j’avais dérobés : il ne me restait plus qu’à éclaircir une confusion d’idées, qui, pour trop m’interroger, ne me laissaient pas le temps de me répondre à moi-même. Je revins à la maison,