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LES ÉGAREMENTS


Le héros de mes premiers soupirs alla donc courir les toits, et me laissa le reste du jour constamment affligée de sa perte, dont je fus bientôt consolée.

Je retournai le lendemain à l’école de mes plaisirs, où mon intelligence fit un progrès incroyable. Je m’étudiai à gagner l’amitié de mademoiselle Sophie ; c’était le nom de l’aimable personne sur l’exemple de laquelle je voulais travailler à me former : je lui donnai occasion de me faire mille petites questions, desquelles j’eus le bonheur de me tirer avec avantage. Certain air de malice, pour ne pas dire de libertinage, qu’elle remarqua dans mes yeux, la fit rencontrer mes idées le plus à propos du monde. Je lui baisai les mains, je promenai les miennes sur sa gorge, j’affectai même le plaisir naturel que j’y trouvais ; mon silence, secondé d’un sourire malin, semblait travailler à démentir la simplicité de mon âge : tout en moi dictait d’autres sentiments que ceux qu’on a coutume de ressentir pour l’enfance. Je reconnus à mon tour dans l’agitation de Sophie quelque chose de semblable à la vivacité que lui avait inspirée la veille le jeune homme avec lequel je l’avais vue ; je profitai de son enjouement pour lui en parler. Je lui demandai si elle serait bien aise de l’embrasser ; elle rougit