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LES ÉGAREMENTS


façon singulière d’obliger, me donna une extrême envie de le connaître, et de lui témoigner d’autant plus de reconnaissance, qu’elle m’assura le savoir indigent. Je l’envoyai prier de vouloir bien descendre un instant ; mais il le refusa par trois fois, ce que je ne me serais jamais imaginé ; car enfin, était-ce grossièreté ou délicatesse ?

Soit force de tempérament ou effets des remèdes, je repris en peu de jours le dessus : la fièvre me quitta entièrement, et il ne me resta que beaucoup de faiblesse et grand appétit.

Plus je sentis de quelle utilité m’avait été l’argent de mon bienfaiteur, plus je me trouvai d’impatience de lui avouer ma gratitude. Le procédé de cet homme me parut aussi extraordinaire qu’humain et délicat : je ne pouvais même me persuader qu’il ne fût de quelqu’un en état, dont la bizarrerie affichait faussement l’indigence ; mais je fus bien détrompée ; car m’étant, dès que je pus me soutenir, traînée à son cabinet, je n’y vis rien qui n’annonçât ses besoins. La porte, qui n’était sans doute que poussée, s’ouvrit au moindre mouvement que je fis pour y frapper ; j’entrai et reconnus, au portrait de l’hôtesse, mon homme endormi sur une espèce de lit, auprès duquel je vis les débris d’un plus que frugal repas, qu’il venait sans doute de prendre, et qui consistait en un pain