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DE JULIE


bis et une carafe d’eau. Deux mauvaises chaises de paille et une table composaient tout son meuble. Cet état me serra le cœur. Un appareil aussi indigent donnait un prix infini à sa générosité. Il me restait encore un louis, que, malgré la nécessité où j’étais, je me faisais un plaisir inouï de lui remettre. Quel effet ne produisent point en nous les vertus ! J’admirais cet homme dans sa misère ; il m’inspirait un vrai respect : je le trouvais plus grand que tous ceux dont le faste et le brillant m’avaient tant éblouie. Craignant de ne plus retrouver une si belle occasion de lui parler, et ne voulant cependant point interrompre son sommeil, je pris le parti de m’asseoir et d’attendre constamment qu’il se réveillât. Cœurs ingrats, qui rougissez d’un bienfait, vous ignorez donc le prix de la reconnaissance ! Pour moi j’attendais avec une délicieuse émotion le moment de déployer la mienne : oui, mes larmes, au défaut de l’expression, la lui eussent caractérisée.

Il n’y avait guère plus d’une demi-heure que je réfléchissais sur ce genre de vie solitaire, lorsqu’il se retourna de mon côté, avec moins de surprise que d’attention à examiner s’il ne se trompait pas. Je vis un homme pâle et abattu, dont les traits, assez réguliers, paraissaient altérés par une longue habitude de tristesse et d’en-