une partie de la journée avec tout l’agrément
possible. Elle vint après chez moi : je ne lui fis
pas moins d’accueil ; et, dans le même cas toutes
deux, nous parûmes nous convenir. Madame
Delêtre était une femme d’environ trente ans,
fort jolie, mais sans esprit, qui vivait avec le
Marquis de…, homme d’un certain âge, dont la
figure n’avait assurément rien de prévenant,
mais qui joignait à un esprit vif et pénétrant de
profondes lumières : plaisantant le premier sur
les vains titres dont les hommes cherchent à se
décorer, il ne les appréciait jamais que par leur
mérite qui, selon lui, devait seul donner un
état. Nous devînmes en fort peu de temps amis :
madame Delêtre vint souvent manger chez moi,
j’en fis de même chez elle. Le marquis, vis-à-vis
duquel j’étais à mon aise, me trouva quelque
esprit et de l’acquis, il me l’avoua avec plaisir ;
M. Poupard était comblé de me voir si fêtée.
Les déférences qu’on avait pour moi lui ouvraient
de plus en plus les yeux sur mon mérite :
il n’était jamais plus satisfait que lorsqu’il me
voyait faire l’ornement de cette compagnie,
dans laquelle il ne me faisait pas tout à fait le
même plaisir, quoiqu’on eût cependant pour lui
tous les égards possibles.
Un mois après avoir écrit à M. Morand mes coffres arrivèrent : en m’envoyant mes fonds, il