Aller au contenu

Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
LES ÉGAREMENTS


être à charge qu’à ceux auprès de qui le hasard m’avait placée, je vis le reste de la compagnie se disposer par degrés à rompre ce silence commun à l’assemblage de plusieurs inconnus : on commença à se familiariser. Je fus l’heureux sujet qu’on choisit pour entamer la conversation : mon air fin et mes traits délicats en firent tous les frais ; mais je n’étais pas si enthousiasmée des éloges qu’on me donnait, que je ne remarquasse bien le peu d’attention de quelques-uns qui jasaient à leur aise sans s’embarrasser de m’y mettre. Ma vanité piquée de n’être regardée que comme une poupée qu’on vante, sans mouvements particuliers, me fit mesurer assez adroitement mes réponses pour substituer aux spectateurs d’autres idées que celles qu’ils s’étaient si légèrement faites à mon sujet. Je réussis assez bien, du moins j’eus tout lieu de le croire, car à la dînée, où la conversation s’engage généralement, le jeune Officier suscita malicieusement à la compagnie toutes les occasions de me désespérer, si j’eusse été aussi enfant que mon âge l’annonçait ; mais je ne m’effarouchai point, je fis tête à tout, et rencontrant quelques réponses heureuses, mes oreilles recueillirent avec plaisir le secret éloge qu’on faisait de mes gentillesses, sur lesquelles chacun s’étendait en me regardant avec ce