sentiments : il était adroit, pénétrant, et avait
des vues qu’il ne tarda pas à remplir. La mélancolie
du sieur Valérie ne servait plus qu’à
relever l’enjouement de Bellegrade, qui ne me
quittait plus ; chacun s’en apercevait, et plaçait
toujours à propos quelques plaisanteries équivoques,
dont je faisais tous les frais : loin de
m’en offenser, ma contenance confirmait de
plus en plus les soupçons de notre intelligence ;
car nous n’en étions qu’aux petits soins. Je
n’avais encore mis le chevalier à aucune
épreuve : une déclaration en forme de sa part,
une réponse favorable de la mienne, et puis
c’est tout. Je me trouvai même fort piquée du
peu d’empressement avec lequel il travaillait à
me persuader ce qu’il avait voulu me faire entendre.
L’aveu de son amour m’avait paru si
joli, que j’en avais tiré bon augure pour la
preuve.
Ce n’était pourtant pas l’essentiel de son projet ; il n’en voulait qu’à une pleine confiance, qui pût favoriser son lâche dessein. Sieur Valérie, qui de plus en plus se confirmait dans sa jalousie, n’eut plus lieu de douter de mon infidélité ; tout parlait contre moi. Bellegrade m’obsédait, se trouvait toujours de mon avis, me conseillait au jeu, ne me parlait que mystérieusement, ne levait jamais les yeux de dessus