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Page:Perrot, Caillaud, Chambaut - Économies d’échelle et économies de gamme en production laitière.pdf/7

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1.2. La polyculture-élevage : un idéal agronomique…

Depuis Sully, ministre de l’agriculture d’Henri IV, qui déclarait que « labourage et pas­turage estoient les deux mamelles [de] la France », et Olivier de Serres, père de l’agrono­mie, qui prône à la même époque l’introduction de la luzerne dans les rotations, la polyculture-élevage a souvent été au cœur des réflexions et des évolutions de l’agriculture française. Cependant, « l’âge d’or » de la polyculture-élevage semble situé beaucoup plustard, lors de l’essor industriel entre 1830 et 1945 (d’après Jussiau et al., 1999) lorsque la révolution fourragère s’est vraiment propagée et grâce à la forte stimulation exercée par une demande croissante de produits animaux (viande puis lait), qu’il devenait de plus en plus facile d’apporter (trains, routes) à une population en voie d’urbanisation.

La polyculture-élevage est aussi un trait caractéristique de nombreuses zones agrico­les françaises, régulièrement célébré par les géographes, comme P. Deffontaines dans Histoire de la Nation française en 1926 : « Depuis longtemps déjà l'exploitation du sol de la France est assurée par deux systèmes de genres de vie qui sont intimement associés au point de n'en faire qu’un seul, une agriculture et un élevage. Peu de spécialisations sépa­ratrices, partout des associations et des fusions. Il est d'autres pays où l’élevage domine, en maître exclusif, sur de vastes régions d'où le cultivateur a été écarté, tandis que par ailleurs l'agriculture se passe du concours de l'élevage et prospère sur des terres d'où les principaux animaux auxiliaires de l'homme sont presque absents. (...). À la fois se révèle en nos campagnes cette double préoccupation des récoltes et des troupeaux ».

Elle est également un must de l’enseignement agronomique, au cœur des concepts de la discipline (rotations, fertilité, cycle des minéraux, etc.). L’idéal agronomique que repré­sente la polyculture-élevage s’appuie sur quelques pratiques clés :

- la recherche d’une bonne valorisation des déjections animales permettant la repro­duction de la fertilité des sols (structure, comportement physique et hydrique, fonc­tionnement biologique).

— la pratique de rotations culturales longues intégrant diverses espèces végétales qui entraîne une moindre pression des maladies telluriques et des ravageurs, et un meilleur contrôle des plantes adventices.

— la fourniture d’alimentation (et de litière) aux animaux par la mobilisation des produc­tions végétales diverses (fourrages, grains) dont des légumineuses fourragères qui fixent l’azote de l’air et procurent des protéines végétales.

Cet ensemble de pratiques, qui forme un tout cohérent, permet de gérer de façon plus locale et moins coûteuse les cycles de l’eau, du carbone, de l’azote, des minéraux (P, K, Ca). Il permet également de diminuer les coûts de transport des matières organiques et de favo­riser le recyclage de la biomasse (Dufumier, 2009), avec de ce fait des pratiques vertueuses du point de vue environnemental. Dans la seconde moitié du 20ᵉ siècle, le recours à de nouveaux intrants et facteurs de production (phosphore, azote, produits phytosanitaires, motorisation qui permet d’intervenir au bon moment sur de grandes surfaces garantissant ainsi l’efficacité des différents intrants) va cependant permettre de lever des limites de pro­ductivité tout en modifiant progressivement le fonctionnement de ces exploitations (Papy, 2010).


Notes et études socio-économiques n° 37 - Janvier-Juin 2013 ■ 11