tence humaine. Cependant, ses lectures assidues de romans passionnés l’avaient jetée en une préoccupation continuelle de l’amour, qu’elle se figurait aussi faussement et aussi obscurément que le peut faire une âme neuve abreuvée de fictions, et que rien de la vie réelle n’est venu éclairer.
L’amour, pour elle, était synonyme de trouble, de délices, de crime, bien qu’elle fût incapable de formuler quels étaient ces troubles ni la nature du crime. Inopinément, le baiser, l’enlacement passionné de Hailis l’avaient précipitée dans l’action d’un de ces romans qu’elle adorait : c’était une joie intense pour elle, mais surtout la terreur du mystère, du défendu. Du reste, l’émotion qui la possédait était toute cérébrale ; ses sens demeurant absolument endormis, absents en son être encore enfant. | Vingt fois, cent fois, elle rappelait la scène qui venait de se passer. Sa brusque surprise — en plein chagrin — de rencontrer Hallis ; l’émotion que la voix de l’écrivain, sa question avaient mise en elle. — « Pourquoi pleurez-vous ? » avait-il dit. — Et, voici qu’à présent, elle ne comprenait plus pourquoi, elle avait nié. elle se dépitait d’avoir été si sotte, si gauche. — Elle se désolait, croyant à une sincère sympathie, d’y avoir si mal répondu. — Mon Dieu, s’il était ici, actuellement, s’il lui adressait encore ces paroles, quel bonheur, quel soulage-