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Page:Pert - L Autel.djvu/62

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— Tant pis, je n’irai que pour la soirée… Oh ! ils me savent très occupée et ne m’en voudront pas.

— Où dinerez-vous ?

— Je n’ai pas faim… ce thé… et puis, tout cela…

Il plaisanta :

— Les émotions…

— Elle répondit sérieusement :

— Oui.

Entre eux, un silence empli de mélancolie pesa. Robert évoquait l’image du gros homme penché sur la jeune fille ; il revoyait son regard un peu plus tard. Et, en eux deux, un pareil malaise se répandait, les unissant pour la première fois en une pensée commune profondément intime.

Par une impulsion involontaire, Robert passa son bras sous celui de Mady, du geste d’affectueuse familiarité qui lui était ordinaire avec Suzanne. Elle tressaillit imperceptiblement, mais s’abandonna sans protester.

Dehors, le jour s’évanouissait avec rapidité. Après la chaleur saturée de parfums de la salle de thé, l’air frais semblait bon aux deux jeunes gens. Il régnait cette paix de l’atmosphère particulière aux rues parisiennes, la nuit, qui ouate le froid, quel qu’il soit.

Ils remontèrent la rue Caumartin, longèrent le Hammam et s’engagèrent dans la rue Lafayette sans se désunir, sans parler, leur pensée vagabondant, d’eux-mêmes à la pièce de Castély, revenant à leurs personnes et s’enfuyant encore, par mille chemins de traverse, mille préoccupations accessoires.

Pourtant, malgré le kaléidoscope mental auquel il s’abandonnait, Robert retournait quand même toujours à la vision désagréable, de minute en minute plus précise, de l’auteur riche, de Joseph Pol La Boustière, qui tenait dans ses deux grosses mains gauches, et sa pro-