Aller au contenu

Page:Pert - L Autel.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Robert avait écouté en souriant. Sa main chercha affectueusement celle de Julien.

— Oui, nous allons enfin gravir ensemble les échelons décisifs ! fit-il avec une gravité émue et heureuse. Son esprit s’élançait hors de la pièce où ils se trouvaient, se dégageait de son ambiance angoissée, s’envolant dans le rêve aux joies presque cruelles et sans prix du succès, de la gloire ardemment souhaités, âprement convoités, que l’on a cru insaisissables, et dont tout à coup les mains tendues, crispées, se rapprochent… qu’elles vont tout à l’heure saisir…

Le craquement presque imperceptible de la porte dans le silence absorbé où ils demeuraient les fit tressaillir. Sacha Ouloff parut, referma délibérément le battant derrière elle et descendit, mettant ses gants de gros cuir éraillé sur ses mains humides de récentes ablutions. C’est fait, dit-elle avec tranquillité.

Tandis que, d’un saut intellectuel effroyable, Robert replongeait dans la nausée et les malaises de l’heure présente, à laquelle il venait d’échapper si complètement, Julien Dolle rentrait avec aisance en ses occupations de praticien.

— Rien d’anormal ? questionna-t-il.

La Russe secoua la tête.

— Non.

Elle arrêta Robert, qui se dirigeait vers la chambre de sa femme.

— Tout à l’heure !… Vous avez bien le temps… Écoutez auparavant les recommandations… Qu’elle demeure couchée, bien couverte, qu’elle ne prenne pas froid… Restez auprès d’elle, tâchez de la distraire, de la rassurer autant qu’il vous sera possible. Ne la plaignez pas, beaucoup de malades — et elle est de ceux-là — sont comme les chiens qui hurlent sans motif, si on s’apitoie