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Page:Pert - L Autel.djvu/87

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n’est ni lui ni un autre, qui n’est plus qu’une sorte de masse à la vie animale, étrange, en dehors de votre pouvoir et qui semble incertaine et vacillante comme un souffle.

Tout à l’heure, il eût donné de son sang pour étouffer la voix volubile de Suzanne emplissant la chambre de ses éclats ; et maintenant, il s’entêtait vainement pour lui arracher quelques paroles. Après la terreur de cette incessante clameur déraisonnante, il subissait celle de l’inertie invincible de ce corps que la mort semblait lentement envahir…

Enfin, il n’y tint plus. Il s’échappa de la chambre, grimpa aux mansardes, réveilla la domestique ahurie, lui commanda de ramener le docteur Dolle et regagna précipitamment son poste, avec la folle appréhension de trouver Suzanne morte, ou debout, reprise de fièvre, courant dans la pièce, peut-être ouvrant la fenêtre pour s’élancer dans le vide…

Il haletait en se ruant auprès du lit, où la jeune femme n’avait pas bougé, son corps se soulevant seulement rythmiquement, sous l’étau des douleurs analogues à celles du début de l’enfantement. Ses yeux clos, cernés de violet, semblaient s’être profondément enfoncés dans l’orbite ; ses narines pincées, ses joues tout-à-coup creusées, son teint livide, aux ombres jaunes lui composaient un masque absolument nouveau et qui dépaysait Robert.

En vérité, la femme qui gisait sur ce lit lui devenait étrangère. Il lui fallait à présent un effort d’imagination pour relier ses sentiments d’effroi et d’amour en faveur de la Suzanne de son souvenir, de la Suzanne d’hier, à cette Suzanne inconnue, qui usurpait l’amoureuse couche conjugale.

L’adorable Suzanne, dont la fragilité était, naguère, une grâce sans pareille, avait cédé la place à un petit être