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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/115

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— Je vous éduquerai. Il faut qu’une femme soit gourmande !

Là-bas, sous les arbres défeuillés, Cady avançait à pas lents, de plus en plus absorbée dans une rêverie vague et pénible.

Son pied buta sur une souche ; elle trébucha, faillit tomber, se retint avec peine ; et le cœur crevé soudain, cet obstacle matériel inattendu ayant comme symbolisé en elle toutes les hostilités et les tristesses dont elle se sentait environnée, elle s’appuya au tronc d’un arbre et se mit à sangloter, à bout de forces et de courage.

— Oh ! que je voudrais m’en aller !… m’en aller ! balbutia-t-elle, les yeux noyés de larmes, ses mains énervées se froissant et s’écorchant à l’écorce rugueuse à laquelle elle s’accrochait désespérément.

Une voix connue la fit sursauter. Et décontenancée, en un indicible désordre qu’il lui était impossible de surmonter, elle vit devant elle son ami Renaudin, le jeune juge d’instruction.

— Que faites-vous là, Cady ? et que signifie cette désolation ? dit-il avec un accent plein de douceur et de compassion.

Il avait aperçu de loin le conciliabule équivoque de Cyprien Darquet et de l’institutrice, et il devinait la cause du mal dont souffrait cette enfant.

« Ils sont ignobles et fous ! pensait-il avec indignation. Comment imaginent-ils que cette pauvre petite si sensitive et si précocement perspicace n’aura pas l’intuition de leur sale intrigue ?… »

Cady avait pris son mouchoir et s’essuyait les yeux.

— Je n’ai rien, affirma-t-elle, la poitrine encore soulevée d’un sanglot profond.

Il n’insista pas, respectant son chagrin, voulant espérer qu’elle ne s’expliquait pas clairement la raison de sa désespérance.

— Viens avec moi… Je suis heureux de t’avoir rencontrée… Je suis seul aussi…