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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/168

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Elle examinait avec terreur les restaurants débordant de monde, l’avalanche des filles audacieuses, aux allures banalement provocantes, aux toilettes raccrocheuses et minables, qui entraient et sortaient, fébriles ou veules, toutes en chasse.

Cady jeta un regard d’envie sur les entresols clos et éclairés où une clientèle plus choisie s’enfermait,

— Non, malheureusement, ce n’est pas possible… Il faudrait un homme avec nous. Mais on ira à une brasserie que je connais.

— Oh ! Cady, une brasserie !

— Puisque je vous dis qu’il n’y a aucun danger !… Ici, oui, on pourrait tomber sur papa ou des amis, mais pas là-bas.

Sans écouter les supplications de Mlle Lavernière, elle héla un fiacre et y sauta en jetant :

— Faubourg Saint-Denis, à la Taverne Alsacienne.

Basse d’étage, à la fois sombre et étincelante grâce à ses boiseries foncées et aux glaces renvoyant les lumières à l’infini, la brasserie s’enfonçait en un long boyau étroit, garnie de banquettes de cuir, de tables de chêne, comble de consommateurs : commerçants, représentants, commis-voyageurs de toutes contrées. On jouait partout, aux cartes, aux dames, au jaquet : manilles bruyantes, piquets absorbés, jeux étrangers dont les partenaires s’interpellaient en italien, en allemand, en anglais. Beaucoup de femmes : petits collages en compagnie de leurs amants, demi-veuves momentanément séparées de leurs époux intermittents. Vertus qui s’indignent d’une proposition pour une nuit unique, qui exigent avec rigueur le nom, l’identité du personnage dont elles accepteront volontiers l’intimité durant les huit ou quinze jours qu’il passe à Paris, expliquant leur solitude par le départ de leur « ami » pour ses foyers.

Familiers, bavards, polyglottes et maladroits, les garçons circulaient, la main aux épaules des clients, transportant les « demis », les assiettes de choucroute,