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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/65

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sant avec l’un de ses secrétaires, M. Listonnet, un jeune politicien en herbe, très blond, myope, chauve, mais qui possédait de l’ampleur dans les gestes et une magnifique voix de tribune.

Le député avait trois secrétaires. Le premier, le seul qui remplit ces fonctions à proprement parler, paraissait très rarement rue Pierre-Charron, séjournant continuellement rue Laffitte, où Cyprien Darquet avait un bureau d’affaires. Les deux autres, exclusivement politiques, secondaient leur patron à la Chambre et dans le travail des commissions. Ils fréquentaient le salon de Mme Darquet sur un pied de demi-intimité. Cady les avait en horreur et feignait d’ignorer leur existence.

Le maître de la maison adressa de loin un sourire et un petit salut à l’institutrice ; mais elle eut le désappointement de n’entendre aucune parole d’accueil et de ne point voir de main se tendre vers elle. Une brève inclinaison de tête fut tout ce qu’elle obtint de Mme Darquet, qui serra la main de Listonnet et, d’un geste, invita chacun à s’asseoir.

Cady, raide et gourmée, ne soufflait mot, ses regards indifférents voyageant de son assiette à son verre. Valentin passa des œufs à la coque qu’elle refusa. Mlle Armande se repentit de n’en avoir pas fait autant. D’une fraîcheur douteuse, peu cuits et froids, ils lui causèrent une nausée.

M. Darquet parlait haut, donnant des explications touffues à son secrétaire. Les mots voltigeaient, sonores, vides de sens pour l’institutrice. La voix mesurée de Mme Darquet la fit tressaillir.

— Vous avez examiné Cady ?… Elle est bien en retard, n’est-ce pas ?… Chez sa grand’mère son éducation a été fort négligée.

Mlle Armande reprit son aplomb, décidée désormais à mentir effrontément en tout et pour tout. Et, simulant une surprise :

— Mais non, madame !… Sans doute, les connais-