Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/248

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plet « avait une modulation à lui, comme il avait souvent une forme à lui ». Il est vrai que les charmants couplets d’Aucassin ne sauraient être absolument assimilés à des laisses de chansons de geste, mais enfin l’hypothèse est ici des plus probables. Dans le Jeu de Robin et Marion, dans cette si jolie pastourelle, on voit un grossier personnage, du nom de Gautier, chanter tout à coup un vers de cet Audigier qui est certainement la plus abominable de toutes les parodies de nos chansons. Ce vers est muni de sa notation musicale, et c’est peut-être là, hélas ! notre plus sûr document[1]. Il serait téméraire d’aller plus loin et d’affirmer que chaque poème avait sa mélodie spéciale. C’est également à tort qu’on a pu dire, d’une façon trop générale, qu’après le milieu du XIVe siècle, on ne chantait plus les chansons de geste, et nous avons prouvé ailleurs qu’au xve siècle, on les chantait encore, mais çà et là et rarement. Somme toute, ces études sur la musique de nos chansons sont à l’état rudimentaire et il convient d’espérer qu’on les poussera bientôt plus loin. L’autre jour, la découverte, à Delphes, d’un fragment de musique grecque a fait tressaillir de joie tous les érudits et tous les artistes. Sans vouloir rabaisser l’art grec, j’estime que plus d’un serait heureux parmi nous, si l’on découvrait un jour la notation complète du Girard de Roussillon ou du Roland.

La charpente des chansons de geste. — Le moule épique. — Nous voici donc en possession des premières notions rigoureusement indispensables qui ont pour objet les manuscrits, la langue, la versification et la musique des chansons de geste :

    Et voici la notation du dernier vers de la première laisse :

    Voir Nouvelles françoises du XIIIe siècle, par L. Moland et C. d’Hericault, p. 231, 232.

  1. Nous reproduisons cette notation d’après le manuscrit de la Bibliothèque Nationale fr. 25566, fo 48, vo.